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Dans les archives de Plantu

Plantu : Une collection de 30 000 dessins de presse

Par Maïté Léon, collaboratrice de Plantu au journal Le Monde de 2009 à 2021 (mis à jour en 2025)

Mon arrivée au journal Monde en novembre 2009, marque le début de la mise en place d’un nouveau système d’archivage et d’un travail effectué sur une période de près de douze ans. Il ne s’agit pas de n’importe quel type d’archives, mais tout simplement de 50 ans de dessins de presse originaux dessinés par Plantu, dessinateur éditorialiste et caricaturiste au journal Le Monde depuis 1972 et avec qui j’ai eu le plaisir de travailler de 2009 à 2021. Voici comment tout a commencé.

Un matin pluvieux d’hiver, une personne des services généraux m’appele pour me demander : “Que faire des cartons de Plantu qui traînent au quatrième sous-sol ?” Sur place, je découvre, empilés dans un coin, des cartons remplis de boîtes d’archives mouchetées, dispersées en vrac, qui contiennent des documents. À ma grande surprise, certaines sont éventrées et leur contenu se trouve répandu à même le sol : or, il ne s’agit pas de n’importe quels documents, mais de dessins à l’encre originaux ! Je demande immédiatement à ce que ces cartons soient rapatriés dans mon bureau, qui ferme à clé. Je préviens Plantu qui n’en revient pas, car il pensait que ses cartons étaient bien protégés, à l’abri, et non éventrés dans un débarras, avec toutes sortes de vieux meubles, accessibles au premier venu…

Une fois les cartons en sécurité dans mon bureau, j’entame un bref inventaire : 40 boîtes cartonnées mouchetées bleu et vert contenant chacune environ 200 dessins originaux à l’encre et au feutre, qui s’ajoutent aux 65 autres boîtes déjà présentes dans des armoires dans mon bureau, soit, d’après une première estimation, un total de 21 000 dessins. En y regardant de plus près, je constate que certains cartons correspondent à des livres publiés : ils contiennent des originaux, mais aussi des copies de dessins classés dans d’autres boîtes. À l’époque, il était plus simple pour Plantu de retrouver un dessin en fonction du livre dans lequel il avait été publié. Il a donc fallu trier le contenu de toutes les boîtes, supprimer tous les doublons, et reclasser le tout selon le numéro d’indexation.

Un premier travail d’indexation des originaux est effectué par Plantu lui-même dans les années 1970 et, à partir des années 1980, par Brigitte Rocquin, son assistante de l’époque, avec un numéro d’identification attribué à chaque dessin. Je vais vous décrire les procédés d’archivage utilisés au fil des années sur l’ensemble de son œuvre, tant pour les archives papier que pour les archives numériques.

Les archives des débuts

Plantu publie son tout premier dessin dans La Vie du rail le 13 septembre 1970. Dans les années 1970, il publie également ses dessins dans VRP syndicaliste, Génération, Panurge, Pourquoi pas, Pariscop, Un plus un, Bonne Soirée France et Belgique, Télé magazine et il commence à travailler pour 30 Jours d’Europe. Ce sont principalement des dessins à l’encre de Chine exécutés au Rötring très fin. Ils sont entreposés dans des cartons d’archivage étiquetés de la manière suivante : le numéro de la boîte, puis les numéros d’indexation des dessins (premier et dernier) et, enfin, les dates de publication (du premier et du dernier dessin). Nous avions, à ce moment-là, 123 boîtes d’archives.

Dans les années 1980, Plantu publie ses dessins dans Témoignage chrétien, La Vie, Le Monde diplomatique, Le Monde de l’éducation, Le Monde dossiers et documents, Les Dossiers de l’étudiant, Croissance des jeunes nations, La Croix, La Mèche, Sin Censura, Réforme et Tumulte. En 1981, il publie dans Record (maintenant Phosphore), La Non-Violence politique, Tambour, Turbule, Terre des hommes, Télérama (1983), Demain Le Monde (1984), Libération, Le Soir, La Grosse Bertha et Pèlerin magazine (1986).

Plantu publie son tout premier dessin dans Le Monde, dans l’édition datée du 1er et 2 octobre 1972 (fig.1). Le dessin original à l’encre de Chine fait partie d’un don de 500 dessins originaux, destinés à la collection du département des Archives et des Estampes de la Bibliothèque nationale de France (BnF).

(fig.1) Premier dessin de Plantu paru dans Le Monde du 2 octobre 1972

Les dessins originaux des années 1980 ne comportent en général pas de date de publication, seulement le numéro d’indexation et quelques mots- clés. Centraliser et recouper toutes les informations dans un fichier Excel a permis de croiser les données des dessins papier et des images numériques afin de les identifier, les dater et de les classer dans les boîtes et dans les dossiers numériques.

Les archives des années 1990

Plantu publie son premier dessin dans L’Express, le 7 février 1991. Les premiers dessins publiés dans l’hebdomadaire sont en noir et blanc et l’ajout de couleur se fait graduellement. Plantu doit fournir des indications minutieuses pour l’emplacement des couleurs à la photogravure : des aplats ou des vignettes avec des mentions précises. Voici ci-dessous un exemple de dessin d’archive décliné comme suit : la copie du dessin original avec les indications nécessaires (fig.2), le dessin original à l’encre (fig.3), une version de copie coloriée au feutre (fig.4) et un calque-gabarit destiné à l’imprimeur pour la mise en couleur (fig.5):

(figs.2, 3, 4, 5)

Les archives des années 2000

Le format des originaux change, et il arrive parfois que Plantu fasse un dessin en plusieurs parties : il peut à présent les scanner facilement, ce qui facilite son travail. Les dessins archivés comportent davantage d’éléments : la copie couleur du dessin tel qu’il est publié dans la presse (fig.6), puis le dessin original à l’encre au format A4 ou A3 (fig.7), des brouillons au feutre noir et blanc ou couleur (fig.8 et 9), les aplats couleur ou noir et blanc qui servent d’indication à l’impression en quadrichromie à l’imprimeur (fig.10), ainsi que parfois, une copie en couleur de la “une” du Monde avec le dessin :

(figs.6, 7, 8, 9, 10)

L ’archivage numérique

L’archivage numérique des dessins de Plantu se fait dès les années 2000, une fois que les moyens techniques le rendent possible. Comme les scans des dessins de l’époque ont une résolution insuffisante, il a fallu, à partir de 2009, rescanner une grosse partie de la collection, notamment les versions couleur des dessins tels qu’ils ont été publiés. Par la suite, on a entrepris de scanner les originaux noir et blanc et les brouillons des années 2000 qui existaient uniquement en format papier mais qui n’avaient jamais été scannés, soit près de 20 000 images au format JPG à 400 dpi.

Les images couleur au format JPG sont stockées sur un serveur partagé avec Plantu. Ce serveur comprend deux dossiers principaux : un dossier thématique, où chaque dessin est classé par thème, par exemple « Emmanuel Macron », « Droits de l’homme », « Démocratie » ou « Société », qui comportait, en 2019, 450 dossiers thématiques et environ 66 000 fichiers (dessins JPG, PDF, soit un volume de 77 Go de documents) et un dossier chronologique où tous les dessins (sans les brouillons) sont classés par année et par mois, et qui comportait en 2019, 22 875 dessins.

Afin d’optimiser le classement des images et homogénéiser leur indexation, j’ai mis en place un système simplifié pour le nommage des fichiers images sous la forme suivante : année, mois, jour, thème/mots clés, support de publication et la résolution du fichier :

ex. : [21404-2018-08-21-MACRON-BENALLA-Le Monde-400.JPG]

En février 2013, je demande conseil à Odile Gaultier Voituriez, responsable des archives à Sciences Po, sur les logiciels d’archivistique les plus performants, notamment ceux capables de traiter des images et métadonnées associées, afin de trouver la méthode la plus adaptée à l’utilisation que nous faisons en interne des archives de Plantu. Cela m’a amené à créer à ce moment-là, une source d’indexation supplémentaire et complémentaire en dehors de notre serveur partagé : un dossier «NOMENCLATURE» qui regroupe l’ensemble des JPG couleurs, des JPG des originaux, et des JPG des brouillons scannés, classés par numéro d’indexation dans 22 dossiers divisés par milliers, allant de zéro à 22 000, sous le format suivant : numéro d’indexation, année, mois, jour, thème/mots clés, support de publication, taille de l’image :

ex. : [21027-2017-10-11-CATALOGNE-Xe-SOURIS-L’Express-600.JPG]

En 2009, je créé un fichier Excel qui centralise et récapitule toutes les données pour chaque dessin en 11 colonnes déclinées de la manière suivante : le numéro d’indexation, la date de publication, la légende (dialogue ou description du dessin), les mots-clés, le statut (publié/non publié), la parution (titre du support de publication), les livres (dans lesquels a été publié le dessin), les notes (informations diverses sur le dessin, s’il a été donné ou vendu, etc.), la présence de l’original NB (Oui/Non) les annexes (précisions sur la nature des pièces annexes, les brouillons, les aplats couleur, les copies). En mars 2018, je rajoute une colonne supplémentaire pour répertorier les 500 dessins offerts à la BnF et, en 2019, une nouvelle colonne (en violet) pour un décompte précis des originaux.

L’alimentation de cette base de données, effectuée de manière quotidienne, a pris plusieurs années. En recoupant les données avec le fichier «Nomenclature», cela a permis de retrouver et de dater correctement plus de 80 % de l’ensemble des dessins de Plantu publiés.

Les Press-books

Au fil des années, Plantu répertorie les publications de ses dessins sur des supports variés. Ce travail minutieux m’a permis de retrouver les dates et supports de publication de l’ensemble de ses œuvres, ainsi que de reconstituer sa collection d’originaux en y intégrant des copies des dessins manquants. Cette recherche a pris des années et nécessité l’aide ponctuelle de stagiaires. De 1970 à juin 1972, les dessins de Plantu sont classés dans des albums photos à spirale (fig.11). Il y indique la date et le support de publication. Les numéros d’indexation en rouge ont été rajoutés en 2018 (fig.12).

(figs.11, 12)

Par la suite, Plantu choisit des cahiers Clairefontaine numérotés de 1 à 87 dans lesquels il découpe et colle ses parutions presse en mentionnant (parfois) la date et le support de publication. Les numéros d’indexation et les dates manquantes sont ajoutés en rouge pour l’indexation (fig.13).

(fig.13)

À partir de 1975, Plantu opte pour des press-books métalliques brochés, numérotés de 1 à 75 et datés, encore utilisés en 2021 pour les coupures de presse (fig. 14 et 15):

(figs.14, 15)

Le matériel

Les outils que nous avons principalement utilisés depuis mon arrivée au journal Le Monde en 2009, sont : une imprimante haute résolution XEROX puis KONICA, qui nous a permis de faire des scans et des copies couleur des dessins en 400 dpi. Tout le traitement des images (recadrage, nettoyage, nommage des fichiers) a été effectué sur Photoshop, sur MAC OS X et l’enregistrement des données dans la base de données Excel s’est fait sur PC, Windows 7 Pro.

Les autres archives

Les archives de Plantu comprennet aussi l’ensemble de sa bibliographie (plus de 65 recueils personnels de dessins de presse), répertoriée également en version numérique, ainsi que les interviews. Les versions papier sont dans les press-books, mais les vidéos filmées et les émissions enregistrées sont sauvegardées sur disque dur. Il existe également des archives papier et numériques de l’ensemble de ses expositions, de certaines œuvres en volume et des sculptures, entreposées dans une pièce spéciale au sein du journal Le Monde , puis après le changement de site en 2020, avec tous les dossiers administratifs et les courriers des lecteurs.

L’œuvre de Plantu est extrêmement riche, car c’est un dessinateur très prolifique et compléter ce travail d’archivage nous est paru indispensable. Cela a permis de quantifier, d’identifier et retrouver l’ensemble de ses publications à plus de 90 %.

Je tenais à remercier tous ceux qui avaient facilité ce travail, l’équipe du service informatique du Mondequi ont solutionné tous nos soucis techniques, la contribution occasionnelle de stagiaires assignés par la BnF, et de bénévoles qui ont participé au tri et à la classification des originaux, au traitement d’images et à l’alimentation de la base de données. Nous souhaitons remercier Laurence Engel, à l’époque présidente de la BnF, ainsi que Martine Mauvieux, ancienne responsable des collections de dessins de presse au Département des estampes et de la photographie, où l'ensemble de la collection est aujourd'hui conservé. Cela a été un véritable défi de mener à bien un travail d'archivage d'une telle ampleur qui, nous l'espérons, sera une mine d'or pour les chercheurs et profitera aux générations futures.

Maite Leon

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